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15 février 2011 2 15 /02 /février /2011 15:54

 

mercredi 23 février, «18h18 » de lAPRES


au « Caméléon », 19 rue du Pont St Pierre, (métro St Cyprien)

 


 

« le financement solidaire »

 

 

micro finance-1

 

Dans le cadre des « 18h18 » de l'APRES, Jean Eric FLORIN est invité pour aborder le sujet du financement solidaire, notamment envers les personnes en difficultés porteuses de projet. C'est au nom de « Midi Pyrénées ACTIVE » qu'il proposera sa réflexion et présentera des cas concrets d'actions dans le cadre de l'économie sociale et solidaire qu'il revendique.

 

 

Note...et dès 18h18, musique... avec le Trio Malandrino, musiques de l'est (violon, bouzouki et accordéon)

 

                                                                                                                                                       Verre de vin

 

...assiettes sympas et vin bio...

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 09:10

A LEFEBRE 010

 

Pour un soir à la galerie Palladion, l'APRES accueillait pour quelques chansons poétiques et décalées Marc Oriol.

 

  A LEFEBRE 009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Intervention et débat avec Alain Lefebvre autour de la "culture pour chacun". Il nous propose, ci-dessous, son point de vue sur les nouveaux enjeux des politiques culturelles

 

 

A LEFEBRE 023

 

Dans le contexte de la crise actuelle beaucoup de propos contradictoires sont aujourd’hui véhiculés autour de la culture :

 

D’un côté on déplore le manque de moyens : crise des intermittents, baisse des budgets, en particulier du mécénat. Dans certains pays l’économie de la culture apparaît sinistrée. Ex : le théâtre de Broadway. La culture serait un des premiers postes de dépenses sacrifié tant par les consommateurs que par les financeurs publics ou les mécènes.

 

D’un autre côté des signaux positifs sont notés, en particulier la fréquentation élevée des lieux culturels en 2009. : 8,5 millions de visiteurs en 2008 au Louvre, soit 200 000 entrées de plus que l'année précédente. Et une hausse de 67 % depuis 2001. En ce qui concerne le cinéma, baromètre des sorties culturelles des Français, le Centre national de la cinématographie (CNC) a annoncé le 7 janvier une augmentation de la fréquentation en salles de 6,2 % par rapport à 2007, soit 188,8 millions d'entrées (on est tout de même loin du record absolu de 1957 avec 411 M d’entrées pour 42 millions d’habitants).

 

Comment interpréter ces statistiques flatteuses ? La, directrice des musées de France estime pour sa part que: « La crise incite les gens à se tourner vers des lieux préservés. Le monde change, l'avenir inquiète ? L'intangibilité des oeuvres d'art et la stabilité des musées rassurent ».

Des économistes de la culture constatent par ailleurs qu'en période de crise, les ménages sacrifient des grosses dépenses, mais pas les sorties culturelles bon marché. Après la crise de 1929, les salles de cinéma étaient bondées aux Etats-Unis. Pour d’autres commentateurs certains usagers iraient dans les salles de spectacles (en particulier le théâtre public) par « militantisme culturel » pour compenser la diminution prévisible des budgets publics.

 

Dans une perspective plus stratégique on parle de plus en plus de la culture comme moyen de sortie de crise. Nicolas Sarkozy, lui-même, dans son discours de Nîmes au milieux culturels en janvier dernier disait : « Au moment où toutes nos certitudes vacillent, notre culture est notre meilleur appui pour construire ensemble les voies d’un développement équilibré et d’une civilisation durable. Il n’est pas d’exemple que dans la crise, les peuples n’aient ressenti le besoin de vivre à travers leur culture. ». Il est vrai que ce genre de déclaration ne mange pas trop de pain et il n’est pas du tout certain que les grévistes de la Guadeloupe s’en satisfassent…

 

Entre ces bonnes et ces mauvaises nouvelles on touche au statut ambigu de la culture : quelque part entre la cerise sur le gâteau et la bouée de sauvetage d’une société en faillite.

 

Essayer d’expliquer à partir d’une grille de lecture en 2 parties :

-          la remise en question des politiques culturelles descendantes ;

-          le double statut de la culture à la fois valeur d’usage et valeur d’échange

 

Auparavant un petit travail de clarification terminologique autour de 3 notions : art, culture et créativité. Je ne vais pas tenter de définir la culture, ni l’art ni la créativité mais de les mettre en perspective.

 

Art et culture

 

A LEFEBRE 024

 

Sans chercher à allonger la liste déjà bien longue des définitions de l’art et de la culture, il est nécessaire d’apporter quelques éléments de clarification au sujet de ce qui les réunit et de ce qui les distingue. La culture, c’est un ensemble de valeurs communes à un groupe social. Tacitement, ou de manière explicite, nous les partageons par la langue et les façons de vivre ensemble. Nous sommes du côté des identités. En revanche l’art est d’abord un espace du singulier qui permet de porter un regard critique sur le monde par l’activation de nos imaginaires. Le choc de l’art (son aura disaient les philosophes de l’Ecole de Francfort, Adorno, Horkheimer ou Benjamin) se produit de façon différente pour chacun de nous. L’activité artistique a évidemment également une dimension collective aussi bien dans sa production que dans sa réception. Un groupe de jazz ne va pas jouer de la même manière devant un public chaud ou froid, clairsemé ou abondant

 

La distinction entre art et culture n’implique évidemment aucune subordination de l’un(e) à l’autre. L’activité artistique constitue un élément essentiel d’enrichissement de nos univers culturels. Réciproquement ces univers culturels contribuent largement à façonner les pratiques artistiques, aussi bien celles des amateurs et des publics que celles des artistes professionnels. On sait depuis longtemps que les conditions sociales d’accès à l’art ne sont pas toujours réunies !

 

En termes d’approches disciplinaires de la question, l’histoire de l’art s’intéresse aux évolutions esthétiques. La sociologie de la culture me fait penser à l’aphorisme chinois de l’idiot qui regarde le doigt tandis que le sage lui montre la lune : le sociologue de la culture ne s’intéresse pas au tableau mais plutôt à celles et ceux qui le contemplent. Je ne suis pas sociologue…

 

En termes de politiques publiques il faut prendre en compte les deux aspects artistique et culturel : la politique artistique se situe plutôt du côté de l’offre car, dans nos sociétés libérales, une activité artistique soumise aux seules règles du marché connaîtrait un développement limité. Une politique culturelle est nécessaire également pour favoriser la rencontre entre l’art et ceux qui ne peuvent y accéder directement. Elle est plutôt du côté de la demande et du contexte social dans lequel celle-ci s’inscrit.

 

Créativité et culture

 

Injonction à la créativité. On parle de créateurs. Art, culture, création, cers termes sont souvent employés de façon indifférenciée. Cf les précisions données par un spécialiste italien du développement local, Walter Santagata : la créativité est du côté des moyens moyens. Il y en a partout ex mafia. La créativité doit être maîtrisée par la culture : enjeux esthétiques, éthiques, sociaux. Ex bombe atomique.

 

Je parlerai ici de culture en relation avec l’art et la créativité

 

 

I La remise en question des politiques culturelles descendantes

 

 

« Le modèle de la politique culturelle à la française ignore le « citoyen ». Il est construit sur l’idée d’émancipation des individus qu’il faut éclairer par la rencontre avec les oeuvres de l’art et de l’esprit. Dans ce cadre, le citoyen n’est qu’un individu conditionné. Si on fait parler le citoyen, il demandera ce qui lui fait plaisir, il aura comme attente le divertissement alors que la politique culturelle s’est battue pour « l’épanouissement », qui passe par l’exigence artistique et non le plaisir facile. ». Constatation faites par Jean-Michel Lucas dans un texte de 2007 pour Uzeste musical. Dr Kasimir Bizou

 

Nous avons assisté sinon participé au développement, depuis le début des années 60, de politiques publiques descendantes voire condescendantes. Tout cela au nom d’un pseudo « droit à la culture », réducteur et uniformisateur, avec des résultats assez modestes sur l’objectif affiché de la « démocratisation culturelle » au sens donné à ce terme par Bertold Brecht, à savoir « l’élargissement du cercle des connaisseurs ». (14% en France).

 

Les politiques culturelles ont été marquées en France depuis bien longtemps (bien avant Malraux) par deux idées forces :

-          le peuple est en état de manque culturel, il faut combler ce manque

-          c’est à l’Etat de s’occuper de cela, les collectivités territoriales doivent être mises à distance.

 

La culture est une grande cause nationale, elle est un support essentiel de construction de l’Etat-nation. Le musée du Louvre a été créé en 1793 pour édifier le peuple à partir des collections récupérées dans les châteaux et les églises et participer à la construction de l’identité nationale. Cf les travaux de l’historien Dominique Poulot. Ce jacobinisme culturel est à l’opposé de la philosophie allemande de la fin du 18ème et du début du 19ème (Kant en particulier) concernant l’art et la culture qui les situent délibérément sur le terrain de la subjectivité.

 

Jacobinisme culturel. 2 exemples à titre d’illustration :

-          les missionnaires et les sorciers (article de Claude Gilbert en 1980) ; bcp de hauts fonctionnaires du MCC venaient de l’administration coloniale

-          mon job au DEP en 1969-70 : faire des études d’impact pour convaincre les CL de leur intérêt (au sens financier du terme) d’investir dans la culture.

 

Dans la propagation de cette vision descendante l’éducation populaire a sa part de responsabilité et bien avant 1936. Le mouvement des universités populaires reprend l’idée de manques à combler. Il ne s’agit pas de critiquer cette formidable aventure mais peut-être de porter un regard lucide sur certains de ses aspects. A force de ne mettre l’accent que sur des manques qu’il faudrait combler, on en vient vite à oublier que tous les individus et les groupes sont producteurs de représentations symboliques Cf les travaux de Jacques Rancière. Peut être aussi faudra-t-il un jour réévaluer certaines formes d’action du théâtre populaire et des médiations organisées pour favoriser la venue du public. L’action culturelle, dans les années 60 et 70, a oscillé entre une démarche cherchant à libérer la parole et les sensibilités des personnes et une démarche descendante et normative de sensibilisation aux œuvres d’art. La descente aux enfers d’aujourd’hui des CE (simple billetterie à tarifs promotionnels) ne doit pas nécessairement transformer en image paradisiaque les vertueux convoyages collectifs au TNP d’il y a 50 ans.

La sociologie de la domination de Pierre Bourdieu a d’une certaine manière à valoriser le modèle descendant en faisant de la « culture cultivée », celle véhiculée par les classes dominantes, le seul étalon culturel de référence. Bernard Lahire a nuancé le propos avec son analyse des « dissonnances ».

 

 

A LEFEBRE 017

 

Un contre modèle ascendant ?

 

Ce modèle normatif prend eau de toutes parts. Il n’a pas disparu pour autant et les contre modèles (bottom up par opposition à top down) sont encore balbutiants.

 

Le ministère de la Culture est en grande difficulté mais l’Etat cherche à reprendre la main avec par ex la création d’un conseil de la création culturelle présidé par NS et CA et animé par Martin Karmitz. On pourrait faire un parallèle avec ce qui se passe dans le domaine du pilotage de la recherche : démantèlement du CNRS, montée en puissance de l’ANR.

 

Cela flotte pas mal. Un ex : l’éducation artistique à l’école. Education ou enseignement. Il y a quelques mois NS avait annoncé l’enseignement artistique obligatoire dans le primaire. Certains s’en sont réjouis (par ex l’ancien DG du Louvre, Pierre Rosenberg l’autre jour sur France Culture), d’autres estiment qu’il faut surtout développer les pratiques artistiques à l’Ecole. Je trouve que ce serait pas mal de faire les 2. Le problème c’est qu’on ne fera probablement ni l’un ni l’autre. Une fois de plus. Ex lorsque Lang était ministre de l’EN. Et tout le monde dit que c’est une priorité à tous les niveaux). Il faudrait donner une prime aux collectivités qui s’engagent à ne pas mentionner la question de l’éducation artistique à l’école dans leur programme mais qui en revanche prendraient dans la durée des initiatives concrètes.

 

Ebauche de contre-modèles qui associent des modes de pratiques (individuelles, en groupe ou en termes de politiques publiques) et des référentiels théoriques.

 

1) L’incontournable et indéfinissable diversité culturelle

 

Une première réponse ascendante se situe du côté de la diversité culturelle.

On sait que la diversité culturelle est une notion valise revendiquée aussi bien par Jean-Marie Messier que par SYNDEAC et dont les significations peuvent être contradictoires. Problème d’échelle Vérité au-delà mais pas en deça des Pyrénées ? Ex : en France la diversité est considérée comme un moyen de défendre les industries culturelles nationales alors même que ce pays n’a pas ratifié la charte européenne des langues régionales. Comme le dit bien l’économiste Joelle Farchy, les débats sur la diversité culturelle oscillent en permanence entre une vision économique de la culture limitée aux seules industries qui donnent lieu à des échanges internationaux et une vision anthropologique associant toutes les expressions culturelles et linguistiques.

 

2) La figure du spectateur émancipé ou le récepteur est aussi un producteur. Je reprend ici le titre du dernier ouvrage de Jacques Rancière, mais pas pour en faire l’apologie car je trouve qu’à côté d’une réflexion exigeante et complexe sur l’émancipation mais aussi sur la notion de distance (ce qui relie l’individu au social) le livre comporte un certain nombre de lieux communs. Cela dit on ne peut manquer d’être frappé par la convergence de ses propos avec ceux de Michel de Certeau 30 ans plus tôt. Ce même Michel de Certeau qui a servi de référence à toute une génération d’animateurs culturels et socio-culturels dans les années 70, du moins ceux qui n’étaient pas paralysés par le paradigme althussérien des appareils idéologiques d’Etat ou par le panoptique de Michel Foucault. Quelques extraits de Michel de Certeau dans Les arts de faire :

 

« Les protestations mêmes contre la vulgarisation/vulgarité des médias relèvent souvent d’une prétention pédagogique analogue ; portée à croire ses propres modèles culturels nécessaires au peuple en vue d’une éducation des esprits et d’une élévation des cœurs, l’élite émue par le « bas niveau » des canards ou de la télé postule toujours que le public est modelé par les produits qu’on lui impose. C’est la se méprendre sur l’acte de « consommer ». On suppose qu’ « assimiler » signifie nécessairement « devenir semblable à » ce qu’on absorbe, et non le « rendre semblable » à ce qu’on est, le faire sien, se l’approprier ou réapproprier. Entre ces deux significations possibles, le choix s’impose, et d’abord au titre d’une histoire dont l’horizon doit être esquissé. » (pp.240-241.)

 

Rancière dans une émission radiophonique « Les vendredis de la philosophie » reprenait de façon saisissante le langage de De Certeau : « Il n’existe nulle part d’individus passifs en face des images. Si l’individu est passif, le spectacle n’existe pas, l’image n’est pas vue. En face d’une image, en face d’un spectacle, il y a un travail d’attention, un travail de sélection, un travail de réenchaînement. Un film n’existe que par l’attention du spectateur. Le spectateur fait un peu son propre film avec celui qui est en face de lui, à travers toute une série d’enchaînement avec les spectacles qu’il a déjà vu, les montages d’images et de mots qui l’ont construit lui-même et qui font sa propre aventure intellectuelle. Pas besoin d’être « un intellectuel » pour avoir une aventure intellectuelle.

[…] Il y a comme une ruse du spectateur. On le programme, on lui propose du plaisir, il le prend mais pas forcément comme on veut qu’il le prenne. »

 

Dans Le spectateur émancipé p. 19 Jacques Rancière écrit encore ceci : « L’émancipation commence quand on comprend que regarder est aussi une action qui confirme ou transforme cette distribution des positions. Le spectateur aussi agit, comme l’élève ou le savant. Il observe, il sélectionne, il compare, il interprète. Il lie ce qu’il voit à bien d’autres choses qu’il a vues sur d’autres scènes, en d’autres sortes de lieux. Il compose son propre poème avec les éléments du poème en face de lui. »

 

Nul besoin, dans la perspective du spectateur émancipé, de faire appel à une intelligence collective qui ne serait rendue possible que par la main invisible de la Toile. Ainsi, pour Marc Le Glatin, auteur d’un ouvrage intéressant sur Internet et la culture[1], une infosphère libérée des appétits marchands et gérée par la communauté des internautes constitue la seule véritable chance pour l’établissement d’une démocratie culturelle. L’auteur définit joliment l’art comme « une tentative d’infiltration virale des zones d’occupation du temps libre que les industries culturelles se sont appropriées ».

 

Cette définition est intéressante : les industries du divertissement, non seulement aspirent l’argent des consommateurs, mais surtout occupent largement son temps de travail disponible, ce qui réduit d’autant le temps disponible pour des propositions culturelles. (Cf P. Le Lay ancien patron de TF1)

 

Par ailleurs les caractéristiques traditionnelles des biens publics (non rivalité et non exclusion) sont bien présentes sur la Toile (Il est quasiment impossible d’empêcher l’accès à des produits numérisés). Marc Le Glatin y ajoute la capacité du réseau à promouvoir la création collective et le développement d’œuvres ouvertes

 

La proposition est séduisante mais elle comporte néanmoins quelques zones d’ombre. Ainsi l’absence d’intermédiation sur Internet est saluée par Le Glatin comme une garantie de « fluidité de l’accès au savoir ». Internet favoriserait de la sorte des échanges horizontaux entre personnes à la place des médiations verticales du marketing commercial et des politiques publiques de l’art et de la culture. Mais quid de la question des apprentissages, du rôle de l’Ecole ? L’auteur évoque bien in fine le rôle de la puissance publique pour favoriser l’appropriation par les internautes de pratiques artistiques et culturelles autonomes, mais le balancement constant de l’ouvrage entre une approche libertaire et une demande d’Etat laisse un peu le lecteur sur sa faim. L’Etat a d’ailleurs quasiment déserté le terrain de l’accompagnement dans le domaine des pratiques culturelles numériques avec l’abandon du programme ECM. Tout se passe comme si on laissait face à face les usagers et les industries culturelles sans intermédiation.

 

3) De la diversité culturelle aux droits culturels, troisième figure de la démarche ascendante

 

La question de la diversité culturelle prend un sens plus intéressant lorsqu’on l’envisage sous l’angle des droits. Insitutionnalisé aujourd’hui sous deux formes complémentaires : version UNESCO et version Fribourg. On trouve la notion largement présente dans les agendas 21 de la culture.

 

La notion de droits culturels, très largement médiatisée aujourd’hui, a une origine ancienne, elle trouve sa source dans l’autonomie de la culture, développée dans la philosophie allemande du début du XIXème siècle, la culture ne devant pas être mise au service de l’Etat. Il y a là un transfert conceptuel de la culture depuis l’Etat vers l’individu. L’existence des droits culturels, en tant que droits de l’homme, est d’ailleurs reconnue dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. La Déclaration universelle sur la diversité culturelle adoptée par l’UNESCO en octobre 2005 y fait longuement référence. La Déclaration de Fribourg de 2007, texte issu de différentes composantes de la société civile du Nord et du Sud, fournit d’utiles précisions sur la définition et les conditions de mise en œuvre des droits culturels. Celle-ci implique en tous cas de considérer tous les individus et les groupes comme des producteurs potentiels de représentations symboliques. En corollaire, la reconnaissance de la diversité culturelle et de la pluralité des formes d’expression doit pouvoir s’inscrire dans la perspective de l’échange, du partage d’expériences, de l’interculturalité, aussi loin des replis et crispations communautaires que d’un pseudo universalisme destructeur des identités culturelles.

 

Deux textes complémentaires mais de tonalité assez différente :

-          UNESCO : les droits culturels exigent une diversité culturelle qui appelle elle-même des mesures de promotion et de protection de la part des pouvoirs publics ;

-          Fribourg, ce n’est qu’un texte et par ailleurs on y insiste plus sur les droits culturels considérés avant tout comme des droits de la personne rattachés à l’ensemble des droits de l’homme et secondairement comme des droits de communautés.

-          La conception économique est très présente dans la Convention de l’UNESCO, la vision anthropologique domine dans le texte de Fribourg. Quant aux textes fondateurs des agendas 21 de la culture on y trouve un mélange des 2.

 

 

4) Des droits culturels à la théorie de la reconnaissance

 

Droits culturels, droit à la dignité, droit au respect, nous ne sommes pas très loin d’Axel Honneth et de sa théorie de la reconnaissance. L’actuel chef de file de l’Ecole de Francfort se demande comment retrouver une relation vraie à autrui, à soi-même et au monde. En insistant sur l'importance de la reconnaissance et du respect de l'individu et en mettant au jour la façon dont le capitalisme néolibéral y porte atteinte, répond Axel Honneth. Il prolonge ainsi la Théorie critique des fondateurs de l'école de Francfort et s’inscrit dans une tradition philosophique dont la préoccupation première n'est pas tant de pointer les inégalités ou les injustices sociales, que de mettre au jour les critères éthiques d'une vie accomplie ou simplement plus humaine. Honneth, qui n’est pas un spécialiste des questions artistiques, est assez éloigné des préoccupations d’Adorno, Horkheimer ou Benjamin. Il ne cherche pas spécialement à protéger l’aura de la création artistique des perversions de l’industrie culturelle, mais à valoriser le partage d’expériences et d’expressions identitaires dans le domaine artistique ou intellectuel comme réponse pertinente à la réification du monde sous l’égide du capitalisme néo-libéral.

 

Les événements actuels en Guadeloupe et la part très importante qu’y prennent les acteurs culturels me semblent donner une résonance toute particulière à l’approche de cet auteur que j’ai découvert tout récemment lors de l’université d’été d’ATTAC en août dernier.

 

 

5) Sur un plan pratique la démarche ascendante est aujourd’hui présente dans nombre d’initiatives de terrain. Importance de l’insertion territoriale des activités culturelles : le territoire et ses habitants plutôt que le public d’habitués et les équipements. Une expérience parmi d’autres : les nouveaux commanditaires de l’art soutenu par la Fondation de France : résidences d’artistes organisés à la demande de groupes d’habitants.

 

Les nouveaux commanditaires sont des citoyens, seuls ou regroupés, qui expriment une volonté de changer leur environnement ou leur condition et prennent la responsabilité de la production d’œuvres d’art.

Qui sont les médiateurs ? Des hommes et des femmes, spécialistes de la création contemporaine, qui se mettent à l’écoute des citoyens et des artistes sur le terrain. Ils vont à la rencontre d’éventuels commanditaires, les aident à formuler leur demande, à trouver l’artiste qui peut les aider, à réunir le budget et organiser la réalisation de l’œuvre.

Qui sont les artistes ? De toutes les cultures, de tous horizons géographiques, ils agissent dans tous les domaines de la création : architecture, arts plastiques, cinéma, musique …

Qui finance et à qui appartiennent les œuvres ? Les œuvres sont cofinancées par des moyens privés ou publics dédiés à l’intérêt général. Elles appartiennent à la communauté représentée par des collectivités et des établissements publics ou des associations à but non lucratif.

 

Pas mal d’initiatives dans les friches, les NTA. Fin des grandes utopies mais développement de micro utopies disséminées. (M.C. Bordeaux)

 

Parler aussi de Pronomads et plus généralement de l’interaction territoire/initiatives culturelles : les résidences

 

Quelques questions d’actualité : bien public oui ou non. C’est un bien public en devenir car inégalement partagé Cf Bourdieu même si Bernard Lahire a nuancé le tableau avec ses dissonnances.

Faut-il soutenir la gratuité ? A priori oui puisque un bien public se définit en fonction d’un droit et non d’une capacité financière. Par ailleurs l’exemple d’Internet montre que les biens culturels correspondent bien aux caractéristiques économiques des biens culturels : non rivalité et non exclusion. Mais la culture a un coût et les pratiques culturelles cultivées sont l’apanage d’une minorité (14% de la population). N’est ce pas faire un cadeau aux favorisés, une sorte de niche fiscale. 65% des visiteurs du Louvre sont des touristes.

 

 

II Valeur d’échange et valeur d’usage de la culture

 

 

Les termes varient un peu pour exprimer. Xavier Greffe parle de valeur extrinsèque et de valeur intrinsèque. 2 facettes de l’activité artistique et culturelle :

 

Valeur d’usage

 

Au centre de tout projet culturel : valorisation du sensible, enrichissement des imaginaires individuels et collectifs par le biais de pratiques artistiques (acteur/spectateur, amateur/professionnel…)

 

Besoin de dispositifs pour favoriser ces pratiques : des lieux, des budgets, des événements… (au cœur des espaces de vie des habitants) mais aussi des artistes, des élus, des professionnels de la culture, des animateurs…

 

C’est le premier registre de légitimation des acteurs culturels. Une expression revient souvent sous leur bouche : c’est la question du sens (dimension esthétique – le sensible- et éthique : la finalité de l’action. Tout le monde reconnaît cette dimension, même le Président de la République qui a tout récemment appelé à défendre « la culture pour la culture ». Même les industries culturelles qui, pour reprendre une expression de Bernard Stiegler, jouent sur les pulsions et non sur les désirs. Pour le dire autrement, et comme mon ami Constant Kaimakis, la principale valeur d’usage de la culture marchande c’est la promotion de la culture de marché.

 

Valeur d’échange

 

Certains auteurs parlent de valeur extrinsèque et de valeur intrinsèque, d’autres d’autonomie et d’hétéronomie… On parle souvent d’instrumentalisation de l’art et de la culture. Je n’aime pas trop ce terme qui pourrait laisser entendre que l’activité culturelle pourrait se développer en dehors de la sphère socioéconomique. La valeur d’échange c’est ce qui relie l’action artistique et culturelle au monde social. La valeur d’échange de la culture c’est sa fonction d’échangeur social. C’est tout sauf secondaire, c’est tout sauf méprisable ! Du point de vue des élus locaux en charge des politiques culturelles (c’est le domaine que je connais le moins mal) la valeur d’échange de la culture se décline sur 4 registres principaux.

 

Les retombées financières de l’investissement culturel

 

La culture comme élément d’attractivité territoriale (attirer des touristes, attirer de nouveaux résidents, augmenter le « capital créatif » du territoire) Je reviendrai dans un instant sur cette question de créativité

 

La culture est convoquée aujourd’hui dans les territoires pour traiter de nombreuses questions de société. Vous avez d’abord la recherche de retombées financières à l’occasion d’un événement-phare (festival d’Avignon) ou d’un signal architectural de première importance (le syndrome de Bilbao). La valorisation des marques culturelles est en cours de développement. Le rapport Jouyet-Lévy de 2007 sur l’économie de l’immatériel soutient fortement de telles initiatives. Nantes s’y est mis en exportant le concept « folle journée » au Japon. Mais l’exemple le plus frappant est celui de la marque Louvre à Abou Dabi. On nous dit que la valeur d’usage sera préservée (les tableaux restent propriété du Louvre et des spécialistes français surveilleront les conditions d’accrochage). On nous dit aussi que la valeur d’échange de l’opération ne se réduit pas aux quelques centaines de millions d’euros mais qu’elle contribuera à ouvrir le monde islamique à la culture occidentale (Pierre Rosenberg sur France culture). C’est proprement scandaleux d’abord parce que c’est condescendant et aussi parce qu’on sait très bien que ces projets dans le golfe sont des projets hors sol destinés à attirer les touristes friqués du monde entier. A une échelle beaucoup plus modeste de nombreuses villes et communes rurales mettent en avant le thème de l’attractivité territoriale (faire venir des touristes ou de nouveaux résidents) Ex de l’agglo toulousaine où les communes de la périphérie n’hésitent pas à utiliser l’atout culturel pour attirer le gratin des classes moyennes. Certains spécialistes parlent de l’avantage concurrentiel dont disposeraient les « villes créatives ». Sans doute pas faux mais pas mal d’illusions à ce sujet. Un économiste américain, Richard Florida, a monté outre atlantique une fructueuse entreprise de consultance qui promet un développement économique accéléré à toutes les villes du monde qui ouvriraient grandes leurs portes à la « classe créative ». C’est un peu plus compliqué que cela : encore une histoire de poule et d’œuf….

 

Un autre registre est celui de l’identité et de la cohésion sociale. C’est un argument fréquemment employé pour justifier l’intervention artistique et culturelle dans les quartiers dits sensibles. On ne peut que se réjouir de telles initiatives et regretter qu’elles ne soient pas plus développées. Quant on regarde la carte de répartition des crédits culturels sur la ville de Toulouse, on s’aperçoit que le noyau central de la ville reste très privilégié. La nouvelle municipalité a promis des changements dans ce domaine. On va voir…

 

On peut tout de même s’interroger sur cette mission sociale de l’art. D’abord identité et cohésion sociale ne vont pas forcément de pair. Les expressions identitaires ne conduisent pas forcément au consensus ou à la paix sociale. Elles appellent nécessairement, sinon la guerre, la confrontation des imaginaires. Voir la Guadeloupe aujourd’hui. Passer du multiculturalisme à l’interculturalité dans les quartiers c’est un beau projet mais cela ne se règle pas uniquement par la magie de l’art ou des mots. L’autre jour Yves Michaud était un peu agacé par les références à la créolité de Glissant. La créolité c’est une projection vers l’avenir, c’est mieux que le métissage… Fort bien mais Michaud n’avait pas tort de rappeler, même s’il le faisait de façon un peu maladroite, que ce slogan mobilisateur ne suffit pas par lui-même à produire du changement social.

 

 

Valeur d’usage, valeur d’échange, culture descendante/culture ascendante, des tensions à gérer plus que des oppositions frontales. La tension est forte. Ainsi les responsables culturels sont très fortement sollicités pour défendre les valeurs extrinsèques de la culture. C’est un devoir social, accompagné d’une nécessité financière qui oblige à rechercher des sources de financement dans d’autres lignes budgétaires.

 

 

2 pistes parmi d’autres

Les perspectives de l’économie solidaire

L’agenda 21 de la culture

 

 

Principes de l’économie solidaire (Cf Laurent Gardin Les initiatives solidaires : la réciprocité face au marché et à l'Etat. Erès)

 

Comportements  économiques Critères distinctifs


Marché

Redistribution

 Réciprocité

Relations entre
acteurs

Relations d’équivalence entre les biens et services

Relation   hiérarchique avec une autorité centrale

Relations symétriques  entre personnes et groupes


Temps

Immédiateté de
l’échange

Relation durable

Relation durable
encastrée dans relations sociales


Principe dominant

Intérêt - Gain

Obligation

Don/contre-don

 

Agenda 21 de la culture

Le GLU

- 16 principes pour tous les goûts

- La participation citoyenne comme référentiel principal

 

Tout cela reste assez balbutiant. Dans le champ culturel il existe beaucoup de micro initiatives intéressantes, mais dans un contexte général de perte de crédits et de perte de référentiels. A court terme peu probable que la culture soit un chemin de « sortie de crise ». A plus long terme c’est différent : nos société auront sans doute besoin de moins de biens mais de plus de liens et d’un renouvellement de nos imaginaires pour construire un nouveau monde...



[1] Marc Le Glatin, Internet, un séisme dans la culture ? Ed. de l’Attribut, 2007.

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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 08:22

 

mercredi 9 février, le «18h18 » de l’APRES

 

Sans titre-101 avec le soutien de Sans titre-101  


à « la Galerie Palladion », 19 rue de la Colombette, (métro Jean Jaures) invite


Alain Lefebvre

universitaire Toulouse le Mirail


Pour une rencontre-débat


« La culture pour chacun » : un référentiel en trompe l’œil ?


    Depuis quelque mois le ministère de la Culture, a lancé une grande campagne de communication autour de son nouveau slogan : « la culture pour chacun », issu d’un bref document de travail assez mal fichu, préparé par deux « spécialistes des politiques culturelles ». Les rapporteurs ont beau jeu de pourfendre, d’entrée de jeu, l’échec de la démocratisation culturelle, sans craindre d’en faire porter la responsabilité aux « élites » et à leur politique « d’intimidation sociale ». 

Ce rapport est bâti autour de deux principales  idées force :

-          un populisme vague (« faire accéder le populaire au rang des intérêts culturels… ») qui fustige sans cesse l’élitisme mais ne fait jamais référence à la notion de « droits culturels » ;

-          une conception à la fois instrumentale, paradoxale et tronquée de l’action culturelle qui est censée s’adresser de façon segmentée aux différentes catégories d’exclus, sans aucune visée d’émancipation individuelle et collective.

Dans la perspective de la RGPP (révision générale des politiques publiques), le ministère propose en fait de réduire son ambition (et ses moyens financiers) à des missions ponctuelles d’action culturelle, en accompagnement de ce que les industries culturelles pratiquent depuis longtemps sous l’étendard de la diversité des attentes des consommateurs.

 

Et dès 18h18… Note...   PALESTINE -1   MAO (Marc Oriol), chansons...

 

« J’aurai pas le temps de me faire bao. Je viendrai léger et je ferai imprao pendant un quart d'heure vingt minutes, de l'ange je ferai le sao... »

 

 

 

 Verre de vinVerre de vinVerre de vin        vins bio à déguster ...      Verre de vin

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15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 14:42

 

005

 

Début de soirée avec "the MOCKEY"

 

 

C'est dans le cadre de la CCIPPP (Campagnes Civiles Internationales pour la Protection du Peuple Palestinien) que nous – deux militantes et un militant de la région toulousaine - nous sommes inscrit-e-s pour une "mission" en Palestine, qui s'est déroulée du 24 octobre au 6 novembre 2010. Le programme est ainsi défini :

Une première semaine de cueillette des olives, puis 2 jours dans le Golan, et enfin deux jours pour deux destinations différentes : une partie du groupe ira au camp de réfugiés de Deisheh près de Bethléem et l'autre à Hébron. Pour le dernier jour, nous participerons avec des palestiniens à une manifestation  contre le mur à El Walajah .

 

Une réunion est organisée à Montpellier quelques temps auparavant pour permettre aux 14 participant-e-s de faire connaissance,  présenter la situation israélo-palestinienne et préciser les objectifs de la mission.  Il nous est rappelé que la CCIPPP n'est pas un mouvement humanitaire mais politique. Elle s'oppose à l'idéologie du choc des civilisations et va à la rencontre du peuple palestinien. Rien de ce qui se fera au cours de notre séjour ne peut être de notre initiative : ce sont nos hôtes qui organiseront les déplacements et décideront des actions.

 

La cueillette des olives durera 5 jours. Le but est de permettre aux paysans, empêchés par les colons, d'accéder à leurs champs, de faire leur récolte, et surtout de témoigner (par des photos et des récits) qu'ils ont bien cultivé leur terre – car une loi permet aux Israéliens de la déclarer propriété de l'Etat après 3 ans "d'abandon".

A Ramallah, nous avons une rencontre au siège du syndicat agricole ('UAWC : Union of Agricultural Work Committees) qui nous donne quelques informations sur la situation économique et politique dans le secteur agricole palestinien. L'UAWC propose ses services aux fermiers pour les aider à s’organise, à défendre leurs droits, à améliorer la qualité et la régularité de la production et à obtenir des facilités d’exportation pour l’huile d’olive entre autres.

 

009

 

Le 25 nous quittons Ramallah pour Assira Al jabalia (le pressoir du sud) à 13 km par la route au sud  de Naplouse.  Un seul grand check point sur la route, celui de Qalandia, que nous passons sans encombre. Nos déplacements se font en taxis collectifs. Les trois militant-e-s de Toulouse font partie du groupe qui s'installe et restera pendant toute la durée de la cueillette dans la grande maison occupée par Waleed H., qui y vit seul pour l'instant. A 29 ans, il a fait 2 ans de prison pour activité politique.

 

LA CUEILLETTE 

 

 

 

 

Nous partons chaque matin dès 7:30 rejoindre le lieu de cueillette. Il fait très doux. Le paysage aussi a des couleurs très douces. La cueillette, c'est faire glisser entre nos doigts les longues branches fines pour en faire tomber les olives sur les bâches étendues au pied de l'arbre. On peut grimper dans les branches des oliviers, ou cueillir d'en bas quand les branches les plus basses frôlent presque le sol. Ensuite, c'est  remplir les grands sacs blancs des olives ramassées en tas et débarrassées des feuilles.

L'ambiance est gaie. Les palestiniens qui ne parlent pas anglais s'adressent à nous à travers les branches et dix fois par jour la même question passe de bouche en bouche, pour tenter de maintenir une parole, créer un lien, marquer sa sympathie :     " What is your name ? " C'est aussi par cette phrase que tous les enfants nous interpellent pour rentrer en contact. Et chacun essaie de répéter et retenir le nom de l'autre, toujours de consonance étrange. On s'invente des orthographes pour parvenir à les mémoriser. La cueillette est interrompue par les invitations à boire le thé à la sauge, puis à partager les plats de humous, fromage blanc, caviar d'aubergines, salades composées, disposés sous les arbres sur de longs tissus blancs. A la fin de la journée, les sacs sont transportés à dos d'ânes au village. Ou sur des  remorques tirées par des tracteurs. Nous nous asseyons souvent sur les sacs pour éviter un retour à pied, et surtout, pour le plaisir gamin d'être ensemble bringuebalés dans une carriole,  sur les chemins pentus et caillouteux.

 

Après le travail, les invitations se succèdent, chez le propriétaire du champ, chez un frère ou une tante. Quelque soit le niveau social de nos hôtes, parfois très humble, l'accueil est toujours généreux. Après la veillée, en vrais travailleurs, nous n'avons pas de peine à nous endormir !

 

Partie de campagne ? Ce voyage se place-t-il sous le signe de vacances chez des amis étrangers ? On pourrait le croire tant le souvenir de ces moments est tissé de légèreté et de chaleur humaine.

 

D'ailleurs le premier jour, l'un de nous s'était demandé, presque avec colère, si nous n'étions pas en train de prendre le travail d'ouvriers palestiniens puisque la récolte, contrairement à celles qu'il avait faites précédemment, se déroulait sans crainte d'un danger. D'une certaine façon, il n'avait pas tort. Mais nous n'allions tout de même pas regretter que les colons ne se montrent pas à la hauteur de leur réputation et ne descendent pas de leurs collines pour nous tabasser. Sa remarque nous a quand même ébranlés, et nous avons presque été rassurés d'apprendre que des cueilleurs  avaient été malmenés dans le champ voisin au cours du dernier week-end. Soulagement : nous n'étions pas venus pour rien.

 

Le contraste avec les récits de précédents séjours en Palestine est assez saisissant. Empreints de révolte, ils étaient portés par l'urgence à dénoncer ces israéliens colonisateurs, leur mépris et leur violence envers les palestiniens... Et une foule de souvenirs venaient spontanément à l'esprit, en confirmation de nos propos. Les négociations avec les militaires "contraints" de nous protéger des agressions toujours à craindre. Les horaires limités pour la cueillette. La hâte à terminer dans les temps impartis. Et sur les routes, en haut des collines, on pouvait entendre le vrombissement des jeeps comme impatientes de venir nous chasser.

 

Aujourd'hui, la violence coloniale n'apparaît plus avec une telle évidence. À l'exception notable de celui de Qalandia, près de Ramallah, immense, où les gens attendent en de longues queues la possibilité de se rendre à leur travail, leur école, l'hôpital, les check points, fixes ou mobiles ne barrent plus les routes, comme avant.

 

Les check points, présence visible et scandaleuse de la police coloniale n'ont plus beaucoup de raison d'être. Le mur est là. Le mur – dit de protection. Immobile et silencieux, mais comme vivant. Il s'est perfectionné : plus haut, il s'est plié dans sa partie supérieure pour empêcher les escalades. Il déchire en silence la terre palestinienne. Avec une précision chirurgicale, il en excise  les meilleurs morceaux dont il s'accapare. Il s'avance lentement et choisit ce que sa lame sinueuse va arracher au long de son trajet obstiné : là un terrain fertile, plus loin une source, là-bas un puits. Il sectionne le pays  en tronçons, en abandonne quelques morceaux épars. Lacère le flan des montagnes. Contourne les villages pour les abandonner dans un isolement mortel. Coupe le paysan de son champ. Écarte l'enfant de son école. Prive le travailleur de  son atelier, l'artisan de son fournisseur. Métamorphose (convertit ?) les proximités en éloignements discontinus.

 

 

 

003

 

 

 

Le mur nous parle de la situation coloniale. Il fait violence aux paysages sur lesquels il a écrit la violence faite aux gens. On peut lire sur les champs et les collines, d'autres marques de ces agressions : au ras du sol, des pancartes jaunes indiquant un terrain miné. L'eau stagnante et boueuse des lacs asséchés par le détournement des sources. Des pentes jaunies où se dressent les squelettes noircis des oliviers incendiés. Les vestiges des maisons rasées lors de la destruction de centaines de villages arabes. Les larges routes israéliennes rendues inaccessibles par des constructions de ponts et de tunnels. Et sur le haut des collines, les maisons coloniales avec leurs routes largement éclairées la nuit. Comme autant de regards inquisiteurs et policiers sur les gens d'en bas. Comme autant de menaces sur leur vie quotidienne.

 

Mais seul un contact direct avec les palestiniens permet d'entrer dans le dédale des brimades qui leur sont infligées. La violence coloniale ne se déploie plus en des manifestations visibles. Elle s'est infiltrée dans la vie même des personnes, entrelacée à la banalité de leurs actes quotidiens. C'est un harcèlement au cœur même de leur existence. Nous l'apprenons au cours des échanges le soir, quand nous sommes invités dans les familles.

 

011

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3 janvier 2011 1 03 /01 /janvier /2011 14:06

 

mercredi 12 janvier, «18h18 » de lAPRES


au « Caméléon », 19 rue du Pont St Pierre, (métro St Cyprien)

 

PALESTINE : retour de mission 

 

PALESTINE 0

                                                

 

 

C'est dans le cadre de la CCIPPP (Campagnes Civiles Internationales pour la Protection du Peuple Palestinien) que deux militantes et un militant de la région toulousaine ont participé au sein d’un groupe à une  mission  en Palestine qui s'est déroulée du 24 octobre au 6 novembre 2010. Cette mission répond à l’appel des paysans palestiniens qui demandent au mouvement de solidarité internationale de soutenir leur résistance contre l’occupation israélienne car colons et militaires empêchent d’accéder à leurs champs, saccagent les arbres, détournent l’eau et les agressent physiquement. Une première semaine de cueillette des olives, puis 2 jours dans le Golan, et enfin deux jours pour deux destinations différentes : une partie du groupe est allée au camp de réfugiés de Deisheh près de Bethléem et l'autre à Hébron. Pour le dernier jour, avec des Palestiniens, ils participèrent à une manifestation contre le mur à El Walajah.  

Ils seront là pour témoigner...                               

 

Note  … et… GFA 3« the MOCKEY », deux jeunes jouant pour le plaisir de ceux qui veulent bien les écouter et, selon eux, «  il faut du courage » ! Leur style est maintenant plus jazz et funck, et leur objectif est de faire participer le public (en chantant et sifflotant pour les plus timides)  avec une bonne humeur qui sera de rigueur…

 

fourchette       assiettes sympas et... vin bio   Verre de vin

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21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 09:23

 

 

AVEC L'AN NEUF, DU NEUF A l'APRES...!

 

Après plus d'une année passée à la Cantine du Salin pour paniers, 18h18 et épicerie, 

l'APRES rebondit.


 

Sans titre-111Sans titre-101

 

 

 

*les paniers à la librairie FLOURY

 


 

 

Notefourchette               Verre de vin

 

 

 

 

*les 18h18 au gré de nos inspirations, invitations

et coups de coeur...

 

1ère soirée 2011, le 12 janvier au "Caméléon" :

retour de mission de Palestine


en première partie: the MOCKEY

 


 

Vin 01

 

*l'épicerie en suspens (... pour le moment...)

Mais quelle que chose nous dit que ça ne devrait pas durer!

 

A bientôt!


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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 15:32

 

 

Et tout commença en chansons...!

 

Huile et vin-14

 

 

 

l'ensemble vocal Jeux 18

 

Huile et vin-21

 

Airs de la Renaissance, de Mozart ou... chansons à boire, l'ensemble de 9 chanteurs enthousiasme les présents. Conivence, cohérence et virtuosité... Leur cru valait le détour. Et tant mieux pour ceux qui étaient là et en redemandaient.

Un petit ballon du domaine de Lafage de Bernard Bouyssou et une dernière chanson à boire... Voilà qui se justifiait et, ballon en main, la musique n'en fut que plus enivrante.

 

Huile et vin-13  Huile et vin-12

 


 

Avant d'écouter Bernard Bouyssou nous parler de biodynamie, Hervé Casasayas, venu des Pyrénées Orientales nous transmettait sa passion pour son domaine "Els Tamarius". Son retour à la terre, la recherche des variétés endémiques et le regain autour des oliveraies après le désastre climatique de 1956 qui porta un coup d'arrêt quasi définitif à la production d'huile dans les Pyrénées Orientales.

 

Huile et vin-11Huile et vin-11Huile et vin-11Huile et vin-11Huile et vin-11Huile et vin-11

 

Hule et vin-15

Hervé Casasayas

 

Huile et vin-16

 

Dégustation d'huile nouvelle... Du caractère et des saveurs reconnues comme inconnues par certains... Les "bonnes" huiles industrielles en prennent un coup!

 

huile et vin-1                                                                                                                                 huile et vin-1

 

Huile et vin19

rencontre entre trois producteurs... Hervé Casasayas (oliculteur), Bernard Bouyssou (vigneron), Nils Passedat (éleveur d'agneaux). A deux pas, Francis Maso (éleveur de canards) devait refaire le monde...

 

 

Puis, Bernard Bouyssou expliqua la différence entre biodynamie et bio. Nous parla de son parcours : du viticulteur qui décida de devenir... vigneron. Conversion en bio et enfin la biodynamie. Les soins à la vigne, le respect de la terre et du produit. Son vin nouveau venait illustrer son travail. Les bouteilles du Domaine de Lafage voisinnaient avec les bouteilles d'Els Tamarius.

 

Huile et vin-17

Bernard Bouyssou

 

 

 

Et bien sûr, tout ne pouvait finir qu'en chansons...!

 

Huile et vin-20

 

Belle soirée pour finir l'année des 18h18 de l'APRES

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1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 11:48

 

mercredi 8 décembre, le «18h18 » de l’APRES


à « la Cantine du Salin », 3 rue de la Fonderie, (métro Palais de Justice)invite


Hervé Casasayas et Bernard Bouyssou

ou… l’huile et le vin

Els Tamarius et le Domaine de Lafage

 

Vino

 

Parcours croisés de deux passionnés. L’un de son oliveraie, l’autre de sa vigne.

En Roussillon, Le Soler, sur un promontoire argileux au bord du Têt. Côté Quercy, le domaine de Lafage sur des coteaux argilo-calcaires proche de Montpezat de Quercy.

Souci du travail bien fait, respect de la terre et du produit, l’accord semble parfait.Question dégustation, l’huile et le vin possèdent leurs grands crus…  Alors pour l’un comme pour l’autre les mots peuvent-ils se croiser comme les pratiques : floral, aromatique, capiteux, nerveux, végétal, minéral, rond… ? On déguste ?

 

 

Sans titre-111

 

 Comme mise en bouche, l’ensemble vocal JEUX 18

avec airs et chansons de leur cru !

 

 

l.apres.over-blog.com   ///   apres.asso@yahoo.fr 

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29 novembre 2010 1 29 /11 /novembre /2010 14:14

  Sans titre-11pdd

 

l'APRES se "délocalisait"pour fêter le vin nouveau de Rémi Kuntz à "l'Herbe Tendre"... Pour une association qui oeuvre pour la relocalisation! Mais (ouf...) il ne s'agissait que de quelques centaines de mètres!

 

Question "délocalisation", nous allions être entrainés par Samir Arabi jusqu'à l'autre bout de la Méditerranée, de la Roumanie à la Turquie et jusqu'à la Perse pour sa goulleillante "Eloge su vin" qui nous éloignait temporairement des vignes de Rémy vers Cahuzac sur Vère.

 

Devinette Parisienne

 

QUELLE ville ressemble au vin?

Paris.

Tu bois le premier verre

Il est âpre,

Au second

il te monte à la tête,

Au troisième

           il te  cloue à la table.

Garçon, encore une bouteille !

Et depuis lors, où que tu sois

où que tu ailles

tu es ivrogne de Paris, mon vieux.

 

 

Nazim HIKMET

 

 

 

 

 

Remy KUNTZ 008

                            Rémy Kuntz et Samir Arabi

 

 

Eloge du vin de Mahmoud DARWICH

 

Je contemple le vin dans la coupe avant de le goûter. Je le laisse respirer l'air dont il fut privé des années durant. Il a étouffé pour préserver ses traits particuliers, fermenté dans son sommeil, fait pour moi provision d'été et de mémoire du raisin. Je le laisse choisir sa couleur. Improprement qualifiée de rouge, elle est le mélange d'un carmin imbibé d'une nuée à la noirceur légère. Couleur qui n'a de couleur que son propre nom : vineuse. Ce qui nous dispense de chercher plus loin. Je le laisse se délecter de son bouquet, ce parfum orgueilleux qui, ainsi que les femmes - citadelles, ne vient pas à toi, si tu veux le humer. A toi de t'assurer de la pureté et de la présence d'un quelconque parfum sur ta main, puis de la tendre vers la coupe, avec une fluidité sentimentale, comme si elle s'appro­chait d'un sein. Tu rapproches la coupe de tes narines avec la patience de l'abeille et un parfum dense, secret, comparable à la couleur qui te fait pénétrer dans les couvents anciens, te disperse.

Je le laisse rassembler les nuances de son goût jusqu'à ce que lui et moi soyons prêts pour l'accueil en bouche d'une révélation. Je ne me presse ni ne m'attarde, cela briserait la cadence de la jouissance. Je porte la coupe à mes lèvres avec l'appréhen­sion de celui qui quémande un premier baiser d'une femme aux sentiments obscurs. Je sirote une gorgée légère et je regarde vers le haut, yeux à demi clos, jusqu'à ce que la quintessence d'une griserie circule dans mes veines. Mon appétit s'ouvre alors à ce qui sied au vin de suite royale. Le vin me porte à un rang plus élevé, ni céleste ni terrestre. Il me donne la conviction que je peux être poète, ne serait-ce qu'une fois!

 

 

Remy KUNTZ 005

 

 

 

 

Omar Khayyam

 

« Elle passe bien vite cette caravane de notre vie

Ne perds rien des doux moments de notre vie
Ne pense pas au lendemain de cette nuit

Prends du vin, il faut saisir les doux moments de notre vie »

 

 

 

 

 

Sois heureux... tu ne sais pas d’où tu es venu,
Bois du vin... tu ne sais où tu iras.

 

 

 

Puisque nul ici ne peut te garantir un lendemain,
Rends heureux maintenant ton coeur malade d’amour.
Au clair de lune, bois du vin, car cet astre
Nous cherchera demain et ne nous verra plus.

 

 

 

 

Nous sommes les pièces du jeu que joue le Ciel,
On s’amuse avec nous sur l’échiquier de l’être,
Et puis nous retournons, un par un, dans la boîte du Néant.

 

 

 

 

Je connais le dehors de l’être et du non-être,
Je connais l’intérieur de tout ce qui est haut et bas :
Pourtant, quelle honte de mon savoir
Si je reconnaissais quelque chose de plus haut que l’ivresse !

 

 

 

 

Lève-toi, donne-moi du vin, est-ce le moment des vaines paroles ?

 - Ce soir, ta petite bouche suffit à tous mes désirs.
 - Donne-moi du vin, rose comme tes joues...

 - Mes voeux de repentir sont aussi compliqués que tes boucles.

 

 

Bois du vin, car tu dormiras longtemps sous l'argile,

- Sans un intime, un ami, un camarade, une femme ;

- Veille à ne jamais
dire ce secret à personne :

 - Les tulipes fanées ne refleuriront jamais.

 

 

 

Ceux dont les croyances sont basées sur l'hypocrisie

- Veulent
faire une distinction entre l'âme et le corps.

- Moi, je sais que le vin seul a le mot de l'énigme

- Et qu'il donne conscience d'une parfaite Unité.

 

 

 

 

 

Limite tes désirs des choses de ce monde et vis content.
- Détache-toi des entraves du bien et du mal d'ici-bas,

-  Prends la coupe et joue avec les boucles de l'aimée, car, bien vite,

Tout passe... et combien de jours nous reste-t-il ?

 

 

 

 

 

 

Quand je serai terrassé sous les pieds du destin,

- Et que l'espoir de vivre sera déraciné de mon coeur,

- Veille à faire une coupe avec ma poussière :

- Ainsi, rempli de vin, je revivrai peut-être.

 

 

Remy KUNTZ 012

 

 

 

Je suis le fils du vin. De cette nourriture,

Je ne serai sevré qu'à la fin de ma vie.

Je le dispense à tous et sans parcimonie,

Comme s'il fût pressé de ma propre ossature.

Je le verse aux garçons de ma sorte, à l'envi,

Et pervertis la fille honnête de nature.

 

Qui le goûte s'envole en l'air,

perd l'esprit, mais devient disert.        

Avec des jeunes gens, dans la nuit, j'appareille,

le cœur en chasse d'un vin fort,

vers la taverne, le bon port                               

qui nous promet monts et merveilles.

Le tavernier, tiré de son sommeil,

A peur- car nul Dieu ne veille.

Il feint d'être endormi, redoute les potins :

Son cœur bat la chamade.

Nous l’appelons, et son angoisse alors s’évade,

car il est sûr de faire un appréciable gain.             

Il se hâte d'ouvrir en criant: « Me voilà! »

A notre vue, il est transporté d'aise.

Il sourit jusqu'aux dents et nous salue bien bas,

car l'avant-goût de son profit l'apaise.

« Entrez! », dit-il, « Soyez les bienvenus!

Je vous souhaite une longue vie. »

Il allume la lampe et s'apprête, assidu,

à satisfaire notre envie.

Nous lui disons : « Vite ! Sers-nous de ton vin vieux!

Les ténèbres vont se défaire ! »

 Voici venir un vin impétueux

qui pétille dans notre verre.

L'arôme de ce vin d'âge parfume l'air

et son or brille comme un feu.

 

 

 

Voici venir le temps de goûter un vin d'or

dans l'argent de quelque timbale.

Nous demandons: «  Qui est semblable à l'or ? »

Le vin, bien sûr. La différence principale,

c'est que l'une est solide et l'autre ne l'est pas.

Certains des gobelets d'argent sont nus et lisses,

tandis que d'autres sont gravés comme calices,

avec une image en forme de croix

et de prêtre qui lit les Évangiles.

Enfin, le vin doré, au gobelet vermeil

fait comme un ciel que constellent des bulles,

qui sont autant de grains aux doigts

des jeunes filles

dont le jeu n'est à nul autre pareil.

 

Ce vin, plus pur que l'eau, ce vin est sans pareil

l'eau, qui craint le mélange, évite de lui plaire.

Mais, si l'on mélangeait le vin à la lumière,

le résultat serait lumière sur lumière.

 

 

ABU-NUWAS     أبو نواس الحسن بن هانئ الحكمي

 

 

 

Remy KUNTZ 014

                             le vin et la vigne: discussion avec Rémy autour de la table

 

Le vin de longue vie

 

Le Maître frappa doucement dans ses mains et ordonna à Vladica d'apporter la carafe. Vladica s'inclina, dis­parut et revint presque immédiatement, marchant sur la pointe des pieds, osant à peine faire un pas devant l'autre, les yeux rivés sur le flacon qu'il tenait dans ses bras comme un nouveau-né. Avec une crainte révérencieuse, comme s'il eût posé sur la table les saintes reliques, il disposa devant le Maître, dans une corbeille inclinée, un flacon dont l'intérieur était couleur de rouille et l'extérieur revêtu d'une chape de sable durci. Le Maître, de sa propre main et avec une attention infinie, le déboucha. Une vapeur légère flotta quelques ins­tants sur la table. Rejetant la tête en arrière sur le dossier de son fauteuil, le Maître  respira pro­fondément. Il m'interrogea à mi-voix:

 

- Sens-tu?

 

Je sentais, à la vérité, à travers le parfum accou­tumé de lavande et des vieilles choses de la maison, s'élever une fragrance plus subtile, plus insinuante, irritante et lascive. Je regardai autour de moi, tout étonné. Il me semblait qu'on eût oublié quelque part un encensoir ardent. Je lui répondis simplement:

- Comme si l'air embaumait le benjoin ou l'encens.

 

 

Le Maître  souriait :

- Regarde maintenant sa couleur.

Élevant un verre au niveau de la bougie, il me demanda:

- Que t'en semble?

Ce qu'il me semblait! Dans le verre, ce n'était pas du vin mais de l'ambre. Des ondes cramoisies, phos­phorescentes dansaient en irisations infinies dans la masse compacte de ce vin qui avait presque la consistance de l'huile. Ce n'était pas du vin rouge. C'était du vin blanc. Et pourtant, dans la coupe de cristal, sous l'éclat des bougies, ce vin blanc avait des reflets de pourpre et de sang.

Sans attendre ma réponse, le Maître  énonça lentement, en détachant chaque mot, comme s'il eût béni le vin:

- C'est mon VLV « vin de longue vie ». Je vais te raconter son histoire. Mais bois, tout d'abord.

Je portai vivement le verre à mes lèvres, comme si j'avais voulu l'avaler d'un trait. Le boyard leva les bras au ciel:

- Pas comme cela, mon garçon! Pas d'une seule gorgée. Humecte d'abord tes lèvres, puis ta langue. Déguste- le goutte à goutte.

 

Je suivis son conseil. Je fis glisser les gouttes une à une au creux de ma langue jusque dans mon gosier. Elles ne me brûlaient point mais me rafraîchissaient au contraire et parfumaient mon haleine. Il me sem­blait parfois avoir tout un jardin sous le palais. J'en savourais l'arôme en me disant : voilà que moi aussi, je comprends le vin!

 

 

 

 

 

 

Aucune âcreté ne naissait dans ma gorge, aucune lourdeur ne me pressait les tempes. À l'inverse, je me sentais lucide, joyeux, léger. En éclatant presque de rire, je dis au Maître :

- Tu te moques de moi, Maître! Ce vin est fait pour des femmes et des enfants mais non pas pour des hommes.

Le Maître  me regardait fixement. Lui aussi avait du rire plein les yeux; mais des yeux bien plus vifs, bien plus jeunes qu'à l'ordinaire. Et sa voix me parut plus sonore et plus mâle lorsqu'il me répondit:

- Naturellement. Ne t'ai-je pas dit? Ne t'ai-je pas prévenu? C'est le vin de jouvence.  

- Buvons alors, monsieur!

- Buvons, mon fils!

Et il me versa un second verre. Il avait la même couleur, le même parfum: mais encore plus insi­nuant, peut-être, plus pénétrant. En le savourant, je le respirais de mes narines ouvertes et je le sentais au même instant dans les fosses nasales et sur la pointe de la langue. Si je n'avais pas su me trouver dans la demeure du Maître , j'aurais juré être dans un champ de fleurs, sur une meule de foin ou bien dans une église. L'arôme du vin, plus que le vin lui­ même, me pénétrait dans les profondeurs de l'âme. Il m'allégeait le corps. Il m'ouvrait l'esprit. Je voyais clair, comme si je n'avais pas vu seulement de mes yeux, mais de mon front, de mes oreilles, de l'extré­mité de mes doigts. Je n'étais pas ivre. Jamais je n'ai bu. Mais il n'est pas difficile de se représenter cette ivresse qui change l'homme en bouffon ou en fauve et le prostre à terre comme une brute. Moi, je ne me livrais ni à des grimaces ni à des hurlements. J'étais bien, comme peut l'être une terre humide écla­boussée de soleil. .. Je me serais volontiers allongé. Je flottais dans une sorte de béatitude infinie. Et pourtant, admirable contraste! Je sentais se lever en moi des vagues de santé, d'exubérance et de jeu­nesse. Je criai joyeusement au boyard:

- Du vin comme celui-ci, je pourrais en boire toute la nuit. Il ne t'enivre pas. Il te revigore. Il te rajeunit.

- Tiens! Ne te l'avais-je pas dit?

- Si fait, tu me l'avais dit.

Et je frappai du poing sur la table. Je le regardai avec des yeux hilares.

- Mais tu ne m'as pas tout dit, boyard. Tu me dois encore une réponse. Qu'en est-il de l'histoire?

- Eh! C'est une longue histoire, mon enfant ... Il s'est écoulé tant de temps depuis lors ... Je pourrais commencer comme dans les contes de fées : il était une fois ...

 

 

Voilà, vous avez découvert « le vin de jouvence ». J’imagine, après la lecture des spectateurs réservés et timides s’avançant vers moi l’air gêné pour me dire :

- nous avons bien apprécié votre lecture,

Je vous remercie.

Et puis discrètement, ils me demandent :

- où peut-on procurer le vin de longue vie ?

Et bien il suffit de négocier avec N.D.Cocea / Edition le serpent à plumes. Si non pour faire plus moderne écrire à :  cocea@levondelonguevie.roum roum comme Roumanie

 

 

KUNTZ 001

 

Vous avez aimé  son vin?

Contact de Rémy Kuntz

05 63 33 98 23

masbrunet@wanadoo.fr


 

 

Creusez ma tombe

 

 

 N’es-tu donc pas heureux, quand la terre fleurit?

Quand le vin accessible et vieilli dans les jarres,

 est vierge encore ?Il faut le boire,

car il est engendré par la vigne et la nuit.

 

Creusez ma tombe, amis, dans le pays du vin,

Au milieu des pressoirs et des plants de raisin,

Loin surtout du soupir des épis et des fleurs,

Que de mon trou je puisse entendre à la bonne heure

Le sol trembler sous la foulée des vendangeurs.

 

ABU-NUWAS

 

Sans titre-01-copie-1

 

 

Vous avez aimé "L'Eloge du vin" ?

Samir Arabi

poursuit depuis 2007 une exploration de la littérature et de la poésie arabe.

 

Des auteurs :

 -          Nazim Hikmet / Anthologie poétique / Les éditeurs français réunis / 1964

-          N. D .Cocea / Le Vin de longue vie/ Le serpent à plumes / 1989

-          ABU - Nuwas / Le vin, le vent, la vie / Actes Sud / 1979

-          ABU - Nuwas / Poèmes bachiques et libertins / Editions verticales / 2002

-          Mahmoud Darwich / La trace du papillon / Actes Sud / 2009

-          Amos Tutuola / L’ivrogne dans la brousse / Gallimard / 1953

-          Baudelaire / Les petits poèmes en prose / Œuvres complètes de Baudelaire publié par l'éditeur Michel Lévy.

 

 

Des références :

 

-          Le Dîwân de Bagdad / Le siècle d’or de la poésie arabe / Hoa Vuong et Patrick Mégarbané / Sindbad / 2008

-          La poésie arabe / René R. Khawam  / Phébus / 2000.


 

 

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23 novembre 2010 2 23 /11 /novembre /2010 08:11

 

Samedi 27 novembre, l’APRESfête à partir de 18h18


à « l’Herbe Tendre » 45, rue des Paradoux (métro Esquiol)


LE VIN NOUVEAU DE REMI KUNTZ

KUNTZ 002    raisin.jpg

 

 VIGNERON DANS LE GAILLACOIS


 « Je voulais toucher à la matière. Et j'ai persévéré malgré les mises en garde d'autres vignerons sur la dureté du métier ». Quand il reprend les 10 hectares de vignes dans le gaillacois, tout est à tailler. Ce qu'il fera seul pendant tout un mois. « Je vis pleinement la convivialité que procure le vin avec les personnes qui passent ici. Je n'ai aucun complexe à présenter mon vin et ce métier. L'image que je donne est certainement différente de celle d'autres vignerons. Je souhaite partager tout simplement. Je n'aurai pas peur de laisser un sécateur à une personne qui ne sait pas tailler, ou de faire déguster un mauvais vin. Je n'ai rien à cacher, ni moi, ni ce que je fais », explique Rémi. Vigneron autodidacte et atypique, Rémi Kuntz, alsacien d’origine s’est posé près de Cahuzac sur Vère. Il nous fera partager son vin vrai du Mas Brunet. A l’image de l’homme… 

 

Verre de vin

*** Samir Arabi nous proposera en préambule un extrait de "Eloge du Vin", voyage poétique à travers la France, le Nigéria, la Roumanie, la Turquie et le monde arabo-persan. Les textes et poèmes choisis, contemporains et anciens, célèbrent la vie, la jouissance, l'ivresse et le vin Verre de vinVerre de vinVerre de vin



       assiettes concoctées par l’Herbe Tendre… 

 

l.apres.over-blog.com                                                 apres.asso@yahoo.fr 

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